NIQ FC : footeux.ses militant.e.s
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L’hiver dernier, on vous interrogeait en story sur Instagram pour savoir quels étaient les sujets qui vous intéressaient : les femmes dans le football était l’un d’entre eux, avec immédiatement une recommandation : « prenez contact avec NIQ FC ! ».
On ne s’est pas faites prier.
Rendez-vous était pris début mai avec Capucine, la fondatrice de l’équipe, pour en savoir plus.
NIQ FC, « Nébuleuse Inclusive Queer » est une équipe de football amateur queer, inclusive et militante, en région nantaise.

La genèse
Capucine est la co-fondatrice de NIQ FC. Originaire de Bretagne, elle a toujours fait beaucoup de sport, surtout des sports collectifs : « un exutoire depuis toujours ». Et avant de lancer NIQ FC, pas mal de roller derby : un sport de contact, militant dans son histoire et féministe par excellence. D’ailleurs, contrairement au football, le roller derby est originellement un sport exclusivement féminin, qui commence depuis peu à être pratiqué par des hommes.

Pendant la coupe du monde de foot féminin, en 2019, elle suit la compétition avec son groupe de potes queer, sur Nantes. Ensemble, iels tapent dans le ballon rond et fêtent la victoire des bleues en buvant des verres, au parc. C’est de cette émulation collective qu’est née l’idée de NIQ FC : elle se dit que ça serait trop cool d’avoir une vraie équipe, « avec un maillot, pour se la péter ».
Avec sa co-fondatrice, Eudi, elles se lancent réellement en octobre 2019, juste avant la crise sanitaire et le confinement. Le bouche-à-oreille permet d’intégrer les premiers membres, et depuis, l’engouement pour l’équipe ne cesse de grossir. Iels sont une vingtaine de membres réguliers, adhérent.e.s, à participer aux entraînement, et une centaine à suivre de près l’initiative sur le groupe Facebook dédié.
Inclusivité et militantisme queer dans le football : le projet séduit.

L’inclusivité
Chez NIQ FC, l’inclusivité n’est pas un terme dévoyé à vocation marketing pour se donner bonne conscience, c’est une valeur qui irrigue tous les aspects de de la vie de l’équipe.
L’inclusivité, c’est d’abord créer un espace le plus accessible possible : toutes les personnes queer peuvent intégrer l’équipe. Au début de chaque entraînement, un petit « tour d’équipe » est effectué afin de faire connaissance entre ancien.ne.s membres et nouvellement arrivé.e.s. L’occasion de donner ou rappeler ses pronoms : l’identité de chacun.e doit être respectée.
Les membres sont intégré.e.s quelles que soient leurs capacités sportives. L’équipe n’a pas d’ambition de niveau, le seul objectif étant de prendre du plaisir ensemble. Pour la rejoindre, un DM sur Insta suffit.
Capucine est coach, par goût de la transmission : « ça me fait du bien à moi et aux autres ». Et pourtant, elle n’a jamais joué en club. Tout au plus a-t-elle fait environ 6 mois de foot, à l’âge de 7 ans. Pas besoin d’avoir un très haut niveau pour transmettre sa passion et motiver les troupes. D’ailleurs, la grande majorité des membres de l’équipe sont débutant.e.s.

Le militantisme
NIQ FC s’inscrit dans une démarche de réappropriation d’espace queer, par les queer et pour les queer.
D’après Capucine, cette démarche militante et d’abord une façon d’être dans le club, qui s’exprime de plusieurs façons. En premier lieu, dans le vocabulaire : l’emploi d’un lexique neutre est de rigueur, pour n’offenser personne. Et on adopte le réflexe d’encourager avant tout, de se tenir éloigné.e d’une quelconque ambition de niveau sportif. L’inclusivité est finalement le premier réflexe militant.
Dans la gestion des problèmes – car il peut toujours en avoir – les membres veillent à être les plus à l’écoute possible. D’ailleurs, l’association est organisée de façon horizontale : exit la hiérarchie et les dynamiques d’oppression.

Le militantisme emmène également NIQ FC en manifs, mais pour l’instant l’équipe n’a pas de cortège officiel. Néanmoins cela reste un de ses objectifs. Le 8 mars, iels ont défilé à Nantes avec une petite pancarte pour représenter l’équipe.
La collectivité
Pas de militantisme, ni de football, sans collectif. L’entraide et la collectivité occupent une place de premier choix chez NIQ FC. Une seconde nature pour Capucine, qui a toujours fait des sports d’équipe, traîne en équipe… Elle aime le partage et le fait « d’en chier ensemble ».
Pour se faire connaître, l’équipe a pu compter sur le soutien de la communauté queer de Nantes.
NIQ FC a notamment eu l’appui de SapphoGang, « Collectif Nantais de Bi-gouines, Queer, Trans et EnBy »[1]Bio Instagram de @sapphogang_, qui les a aidé.e.s à définir les valeurs de l’équipe et a repartagé leur initiative sur Instagram : « Iels sont trop contents de voir ce genre d’initiative éclore ».
Avec d’autres collectifs queer nantais, l’équipe souhaite organiser des journées de tournoi queer et festives. Et ces rencontres ne s’arrêteront pas là car de plus en plus d’équipes de football queer se sont créées en France, notamment en région parisienne.

L’autogestion
L’autogestion, c’est choisir de ne pas être sous l’égide d’une fédération sportive, qui regroupe les associations sportives pour en organiser les compétitions – l’affiliation à une fédération supposant de se soumettre à ses règles.
Capucine a d’abord été personnellement sensibilisée à ce phénomène grâce au roller derby, sport initialement underground, qui n’a été officiellement reconnu par la Fédération Française de Roller Sports, qu’en 2014.
L’autogestion est essentielle pour NIQ FC, n’étant pas seulement un a club sportif mais avant tout une asso militante. L’association n’est pas enregistrée dans la catégorie « sportive » car cela l’obligerait à rejoindre la fédération de football, qui est totalement binaire et non-mixte. L’équipe met un point d’honneur à s’en tenir éloignée, refusant d’avoir à cocher une case « H » ou « F ».
« Il faudrait inventer d’autre cases », selon Capucine. Car même lorsque la mixité est observée dans une équipe, il s’agit généralement de femmes cis qui jouent dans une équipe d’hommes cis : la mixité est nécessairement conçue de façon cisgenre et binaire dans le football.
D’ailleurs, elle reconnaît qu’il est dommage de se priver d’une fédération car « ça rassemble ». En somme, « c’est un espace à reprendre ».

Exit le sexisme dans le sport
Quand on interroge Capucine sur le sexisme dans le sport, sa première réaction est sans appel : « les gens qui véhiculent tout ça n’aiment pas vraiment le foot, ils en aiment l’idée ».
Malheureusement, leurs bons vieux clichés ont la peau dure et les femmes, ainsi que les minorités de genre, demeurent reléguées au second plan dans le sport, notamment en raison d’un manque de moyens financiers. Et c’est un problème colossal : l’argent, c’est le nerf de la guerre.
À ce sujet, Capucine évoque la bande dessinée « La saison des roses », de Chloé Wary.
Elle-même joueuse dans une équipe féminine, la section féminine du FC Wissous, l’autrice s’est lancée dans le foot sur le tard, à 20 ans. Dans cet ouvrage, elle raconte l’histoire d’un club de banlieue qui privilégie son équipe masculine au détriment de l’équipe féminine, par manque de moyens. Mais c’est sans compter la hargne des joueuses qui s’engagent dans un véritable combat féministe, sur le gazon, et en dehors.

Il faudrait débloquer des budgets pour le sport féminin et queer. Bon nombre de villes de France n’ont qu’une équipe masculine cisgenre. À défaut d’intégrer l’équipe masculine, celleux qui souhaitent s’entraîner doivent se résoudre à utiliser des ballons usagés.
La suite
Pour Capucine, le sport militant n’est pas qu’un loisir. Elle vient de finir son bachelor en management évènementiel du sport et souhaite travailler dans le développement du sport féminin.
À l’instar de la fondation Alice Milliat, la première fondation dédiée au sport féminin, elle a pour ambition de changer l’éducation au sein de fédérations sportives, afin que celles-ci prennent conscience des enjeux du sexisme dans le sport. Elle voudrait mener des actions de sensibilisation en ce sens, avec notamment des évènements, des opérations marketing avec des marques influentes… il y a beaucoup à faire.
Parmi ses ambitions, il y a également la création une fédération queer qui fasse sauter ces barrières sexistes et cisnormatives dans le monde du sport.
Pour le club, l’avenir est tourné vers le développement des rencontres. Capucine espère organiser de nombreuses compétitions queer. Et peut-être aussi lancer un une boutique avec des produits estampillés NIQ FC.
En revanche, pas d’ambitions professionnelles à l’horizon : le but n’est pas de professionnaliser l’activité de NIQ FC car « le foot queer est cool comme il est, en mode DIY ». Une belle punchline pour la fin.

Propos recueillis par Lila
Source de l’image en page d’accueil : NIQ FC
Suivre NIQ FC : @niq_fc (Insta)
References
↑1 | Bio Instagram de @sapphogang_ |
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